Justice prédictive : bénéfices de l'open data - izilaw

Justice prédictive : bénéfices de l'open data

L’expression même de « justice prédictive » fait débat en France, certains issus de la magistrature lui préfèrent l’expression « justice prévisionnelle » ou « justice actuarielle » car il s’agit avant tout d’un calcul de probabilités de réponses apportées à des problèmes juridiques donnés.
Le fondateur de la legaltech Predictice explique lui-même que cette expression avait été d’abord choisie pour des raisons marketing, cette expression n’étant alors pas référencée sur Google.

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Concrètement, quelle place a pris cette justice prédictive en France ?


Pour le moment, cela reste limité car l’open data des décisions judiciaires promis par le ministère de la Justice est plus complexe et plus long à être mis en œuvre : environ 2 millions de décisions sont actuellement exploitées par la legaltech sur les 100 millions de décisions judiciaires estimées pour une ouverture complète intégrant 20 ans d’archives (échelle haute).

Des cabinets d'avocats s'organisent pour constituer un fonds de décisions de justice ouvert, avec l'aide d'une legaltech pour accélérer cette publication des décisions de justice.

Ce retard ou cette lenteur s’explique par les coûts non anticipés d’une telle mesure pour la justice.

Quels sont les bénéfices attendus d’une justice prédictive ?


Ces nouveaux outils d’analyse apporteront des données utiles aux magistrats, aux avocats, aux particuliers / citoyens, et aux sociétés notamment compagnies d’assurance.

Les magistrats seront en effet en mesure de comparer les cas similaires déjà résolus et d’analyser quelles sont les décisions qui ont été prises par leurs pairs. Ils pourront ainsi évaluer l’écart qui existe entre la décision qu’ils s’apprêtent à prendre et la norme qui se dégage des cas étudiés.

Les avocats pourront ainsi affiner leurs arguments et les motivations grâce à l’accès aux données des cas similaires. A terme, des informations autres que les données strictement juridiques pourront également être intégrées comme la durée moyenne de la procédure observée pour améliorer leurs prévisions de frais pour leurs clients.

Les particuliers / citoyens pourront, quant à eux, mieux comprendre les tenants et les aboutissants de leur affaire et potentiellement mieux orienter ou accepter les propositions d’orientation des négociations de leur avocat.

Enfin, il est également attendu un impact positif sur l’évitement de procès coûteux pour la justice, grâce à un meilleur taux de résolution des litiges en phase amiable : les compagnies d’assurance et les parties prenantes auront des arguments mieux étayés et sourcés et donc vérifiables par la partie adverse. Une probabilité de succès d’un contentieux sera ainsi calculable pour inciter les parties à aller plus loin ou non.

Ces nouvelles mesures peuvent donc permettre de rendre plus efficace le système judiciaire dans son ensemble, et d'offrir un meilleur accès au droit.

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Quels sont les dangers ou les dérives identifiées ?


L’exploitation des statistiques et des chiffres peut mener à une analyse économique du droit mettant en avant dangereusement le rapport coûts / avantages des procédures légales. Cette dimension économique est adaptée à des cas de contentieux ou d’arbitrages mais elle semble moins adaptée à la sphère pénale.

L’aspect « autoréalisateur » de ce type d’analyses peut être inquiétant pour différents aspects fondamentaux du droit pénal en France : l’individualisation de la peine, l’intime conviction du juge ou le secret du délibéré.

Le volet pénal de la justice est sans doute peu enclin à exploiter les nouveaux outils de justice prédictive, mais les contentieux et les arbitrages peuvent être mieux pilotés et résolus grâce à ces nouveaux outils.

Quelle maîtrise de ces outils et des algorithmes ?


Des travaux de recherche sont en cours sur des méthodes permettant d'analyser des algorithmes et d'identifier les biais éventuels intégrés dans les lignes de code et ainsi avertir les citoyens sur les comportements des acteurs du numérique.

Plus largement des débats doivent aujourd’hui entrer dans la sphère politique et doivent permettre de construire un cadre réglementaire suffisamment précis. Une régulation doit exister pour, d'une part protéger les atouts et savoir-faire des sociétés commercialisant les algorithmes, et d'autre part partager justement l'information pour contrôler l'orientation des algorithmes. La CNIL a prévu de publier à l'automne 2017 un état des lieux exhaustif des débats initiés ou à lancer sur la place des algorithmes dans la société.

Ces sujets sur les algorithmes ne sont que la face émergée de l'iceberg : de nombreux autres sujets sur la digitalisation des processus et modes de fonctionnement de l'appareil judiciaire sont également tirés par cette problématique de la justice prédictive.

L'enjeu sociétal est donc de digitaliser en toute maîtrise et en toute transparence pour que l'information soit exploitable, les résultats présentés fiables et dignes de confiance. Des partenariats public-privé semble la meilleure réponse pour encadrer ces pratiques et assurer un contrôle public sur les outils permettant une aide à la décision.